L'agriculture en Margeride

Etre Agriculteur n’est pas qu’un métier, c’est un état.

On vit l’Agriculture : un jour tout puissant, parce que finalement on exerce le seul métier vraiment indispensable à l’humanité et le lendemain humble face à la force des éléments que nous ne maitrisons pas et dont nous dépendons totalement.

A la fin du XIXe siècle, un français sur deux est paysan. Rares sont ceux d’entre vous qui n’ont pas un paysan dans la galerie de leurs ancêtres. On pratique alors une agriculture quasi autarcique, il s’agit de se nourrir soi et sa famille, le petit surplus devant servir à acheter l’indispensable impossible à produire.

Ici en Margeride, nos ancêtres s’appelaient les Gabales, ils étaient des Gaulois mâtinés de Celtes et jusque dans les années 1960, nous avons pratiqué la même agriculture qu’eux.

La vie est dure, les fermes, toutes petites structures familiales dégagent à peine de quoi subsister. En cas de mauvaises conditions climatiques, c’est la famine. La mortalité infantile est énorme. Au temps des gros travaux (on dit qu’il y a en Gévaudan « 10 mois d’hivers et 2 mois d’enfer ») les enfants ont un rôle important ; ils tassent le foin dans les « doublèou » , pour les labours, ils piquent les bœufs. Dans les familles nombreuses, il est fréquent qu’on « loue » un ou plusieurs enfants qui dès l’âge de sept ans devront quitter leurs familles pour gagner leur pain.

L’Eglise rythme et guide la vie de ces gens. Du mois de Marie à la Noël, des messes du dimanche aux Angélus de sept heures, on attend l’autorisation du curé pour faner le dimanche même si l’orage menace et que la récolte risque de se perdre.

La poursuite du bonheur qui est un droit légitime et incontestable de l’Homme moderne n’était alors pas de mise, on se contentait de survivre.

Pourtant, on savait rire quand même, les soirs de batteuse, par exemple, même si les mains qui magnaient le fléau étaient trop calleuses pour tenir la fourchette, on pouvait toujours chanter et danser. Il y avait aussi les veillées au coin des cheminées de granit ou l’on racontait des histoires que l’on tenait souvent d’un plus vieux que soi et qui finissent par former une tradition orale très forte dans nos montagnes.

Mais revenons à ce XX e siècle, au début duquel on assiste à un lent exode rural, presque indolore. Dans les familles on est souvent fier de celui qui est parti en ville pour y trouver une situation un peu plus confortable. Bien sûr, il y eut les guerres qui prélevèrent leurs tributs dans la jeunesse. Mais c’est surtout après 1945 que cette inexorable hémorragie met nos campagnes à mal. Chez nous on quitte le pays pour s’embaucher chez Michelin, ou bien on fait les vendanges, les campagnes de sucre dans le Nord afin de soutenir une ferme familiale vivotante, et puis quand on a vu comment c’était ailleurs… Ce phénomène à un nom, c’est la « déprise ». Sur le haut plateau Sauguain on ne prend conscience de la gravité de la situation qu’au début des années 60.

Après-guerre, l’Agriculture française est sous développée, les paysans sont de moins en moins nombreux. Ils représentent alors 25 % de la population. On va pourtant les charger d’une mission patriotique…

Les pouvoirs publics comptent sur l’industrialisation pour relever économiquement cette France qui a tant souffert. On va demander aux campagnes de nourrir les villes… et ce à moindre coût. Il va donc falloir se moderniser pour que les Français n’aient plus faim. La presse spécialisée, les chambres d’agriculture, les syndicats agricoles, les mouvements chrétiens ruraux (qui ont une mission de formation) n’auront qu’un seul mot d’ordre : « Lançons la révolution verte ! »

On achète les premiers tracteurs pour remplacer les bras qui manquent. On s’endette à taux préférentiel pour mieux s’équiper. Tout un chacun aspire à un revenu « comme tout le monde » !

Les paysans d’hier vont devenirs Agriculteurs puis Exploitants Agricoles.

En 1960 et 1962, on vote les lois d’orientations qui vont reformer l’enseignement agricole. Elles sont appuyées par la PAC (déjà !). Toujours dans le but de nourrir la France, on demande aux agriculteurs de se moderniser, en échange de quoi on leur promet le maintien de leurs revenus.

Ces coûts que l’on tient artificiellement bas permettent aux ménages français de réduire la part de leurs budgets qu’ils consacraient jusqu’à maintenant à l’Alimentation… La société dite de Consommation est sur les rails !

Toujours pour améliorer l’efficacité l’état favorise le remembrement. Ce qui est bien adapté dans les grandes plaines céréalières et plus compliqué sur les versants de Margeride. Ce pays se prête mal à l’agriculture intensive.

Nous nous sommes modernisés bien sûr, nous nous sommes adaptés autant que possible, mais du point de vue des coûts, nous ne pouvons pas rivaliser sérieusement avec les grands producteurs de France et d’ailleurs. Parce qu’aujourd’hui ce n’est pas seulement les grands agriculteurs de la Beauce qui concurrencent ceux de Margeride, c’est l’Australie pour le mouton, la Chine pour le lait, l’Italie pour le veau, etc.

Les Agriculteurs représentent aujourd’hui 3 % des actifs français. C’est trop peu pour s’imposer vis-à-vis des géants de l’agro-industrie. C’est trop peu pour que le monde politique se préoccupe de notre devenir. Paradoxe : D’un agriculteur moderne dépendent économiquement huit personnes qui pratiquent un autre métier.

On parle de plus en plus de faire des agriculteurs français les « gardiens du paysage ». Non qu’il s’agisse là d’une mission déshonorante, mais c’est faire peu de cas de la vocation, de l’ambition de ceux qui ont choisi ce métier. Nous sommes les dépositaires de nos terres, nous les aimons comme les anciens les ont aimées avant nous. Nous ne pratiquons pas le même métier, tout est bien plus compliqué aujourd'hui, mais nous avons gagné en confort. Ce qui réunit les paysans d’hier aux chefs d’exploitations agricoles d’aujourd’hui c’est la finalité : ils étaient là, comme nous sommes encore là pour nourrir les Hommes.

On nous prédit 9 milliards d’habitants sur la planète en 2050, comment les nourrir ? En France, c’est l’équivalent d’un département de terres agricoles qui disparaît tous les sept ans, pour être bétonné (lotissement, aéroports, centre commerciaux) ou goudronné.

D’une manière générale, nous ne sommes pas passéistes, mais "Qui ne se souvient pas du passé est condamné à le revivre"… Autrefois, on obligeait l’un des garçons à reprendre la ferme, pour ne pas laisser perdre le « bien de famille ». Aujourd’hui vous rencontrerez des agriculteurs parfois fatigués ou désabusés, mais toujours animés d’une vraie passion pour ce métier.

Les viandes, la plupart des légumes, les fromages, les confitures, les glaces qui se trouvent sur notre table sont issus de nos fermes.

Nous sommes fiers de ces produits, fruits d’une agriculture raisonnable et raisonnée.

Faune et flore en Gévaudan

La diversité des milieux naturels, des tourbières aux prairies, sous-bois ou berges de cours d'eau, ainsi que l'activité agricole locale, parcimonieuse en traitements et engrais chimique permet une grande richesse floristique et faunistique.

Parmi les végétaux on peut noter de nombreuses orchidées, mais aussi les minuscules plantes carnivores, (drosera, peuplant les tourbières), les digitales, la callune ou bruyère, sans oublier les gentianes et le lys martagon. De même, la faune locale est d'une grande diversité : à chaque type de flore, ses insectes hôtes, à chaque milieu ses animaux sauvages : crustacés, oiseaux, poissons, cervidés.

Il convient donc d'avoir le plus grand respect pour l'environnement afin que ce territoire de Margeride reste un paradis pour les naturalistes.